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La dédicace à la reine

Des clés pour comprendre

 

« À La Reine »
« Madame »

L'épitre dédicatoire est un texte prenant la forme d'une lettre (épitre), placée au début d'un livre, dans laquelle l'auteur ou l'autrice offre (dédie) son œuvre à une personne influente, en échange de sa protection. La pratique est courante sous l'Ancien Régime.

Ici, Olympe de Gouges subvertit ce genre en instaurant un dialogue de femme à femme.

« Lorsque tout l'Empire vous accusait et vous rendait responsable de ses calamités »
« cette reine faussement inculpée »

Des critiques nombreuses et violentes ont été adressées à Marie‑Antoinette au sujet de son train de vie fastueux. En 1785, 

l'Affaire du collier

, un coup monté dans lequel des bijoutiers lui réclament de l'argent pour un collier en diamants qu'elle n'a jamais commandé, lui vaut le surnom « Madame Déficit ». Très impopulaire, Marie‑Antoinette est accusée de tous les maux, notamment de l'état catastrophique des finances du royaume.

En outre, lors de l'épisode de la 

fuite à Varennes

, beaucoup pensent que c'est Marie‑Antoinette qui a incité Louis XVI à s'enfuir.

« Si l'étranger porte le fer en France »
« S'il est vrai que des Français arment contre leur patrie toutes les puissances »

À partir de juillet 1789, de nombreux princes et nobles français fuient vers les Pays‑Bas autrichiens et l'Italie. La méfiance des révolutionnaires envers l'étranger est nourrie par les journaux : on accuse par exemple Marie‑Antoinette, dont le frère est l'empereur d'Autriche, de vouloir vendre la France à son pays natal. Au moment de la rédaction de la Déclaration, des nobles lèvent une armée contre‑révolutionnaire, « l'armée des Princes », à Coblence (Allemagne).

 

Questions :

ANALYSER

1. Selon vous, pourquoi l'autrice choisit‑elle de s'adresser ici à la reine ?

2. En quoi Olympe de Gouges se montre-t-elle audacieuse dans sa manière de s’adresser à la reine ?

3. Se présente-t-elle comme son ennemie ou son alliée ?

• Deux demandes

4. Olympe de Gouges adresse deux demandes à Marie-Antoinette. Lesquelles ?

5. Quels avantages la reine pourrait-elle en retirer ?

 6. Quel portrait idéal d’une reine Olympe de Gouges dresse-t-elle ?

• La conclusion de la lettre

7. Pour quelle raison le parti monarchique pourrait-il « se détruire de lui-même », selon Olympe de Gouges ?

8. Quel principe place-t-elle au-dessus de tout, à la fin de la dédicace ?

 

 

 

 

 

« À la reine » 

Pour lire la dédicace

 

 

L'objectif de la dédicace

 

Adresser une dédicace, au roi ou à tout noble protecteur, est un acte fréquent sous l’ancien régime, le plus souvent une façon pour un écrivain de plaider en faveur de son œuvre.

Mais le but d’Olympe de Gouges est, plus que de solliciter un appui personnel, d’amener à reine à user de son pouvoir pour se ranger aux côtés des femmes en lutte : « Il n’appartient qu’à celle que le hasard a élevée à une place éminente, de donner du poids à l’essor des Droits de la Femme, et d’en accélérer les succès. » Cet appel est insistant dans toute la seconde partie du texte, jusqu’aux injonctions finales : « Soutenez, Madame, une si belle cause ; défendez ce sexe malheureux, et vous aurez bientôt pour vous une moitié du royaume, et le tiers au moins de l’autre. / Voilà, Madame, voilà par quels exploits vous devez vous signaler et employer votre crédit. »

Un autoportrait

 

Cette dédicace nous offre aussi une image d’Olympe de Gouges, qui insiste sur sa liberté. Déjà elle marque sa différence avec les dédicataires ordinaires, « je n’emploierai point l’adulation des Courtisans pour vous faire hommage de cette singulière production » ; cependant elle conserve tout de même, dans ses formules finales, l’expression de son « plus profond respect » face à celle qui reste encore la souveraine, mais qu'elle appelle  « Madame », et non pas "Majesté".

D’ailleurs, de même qu’elle jugeait que Louis XVI roi était condamnable en tant que roi mais non en tant qu’homme, la considérant en tant que « mère et épouse », elle rappelle à la reine le soutien qu’elle-même a pu lui apporter : « Lorsque tout l’Empire vous accusait et vous rendait responsable de ses calamités, moi seule, dans un temps de trouble et d’orage, j’ai eu la force de prendre votre défense. »

Mais, parallèlement, elle affirme ses opinions en l’avertissant des risques courus si elle s’élevait contre le peuple : « L’intrigue, la cabale, les projets sanguinaires précipiteraient votre chute, si l’on pouvait vous soupçonner capable de semblables desseins. » 

Marie-Antoinette emprisonnée à la Conciergerie, 1793. Gravure

 

Son adhésion à la révolution, qui libère des « tyrans », et son patriotisme  ressortent par son enthousiasme à la fin de la dédicace : « Croyez-moi, Madame, notre vie est bien peu de chose, surtout pour une Reine, quand cette vie n’est pas embellie par l’amour des peuples, et par les charmes éternels de la bienfaisance. », « tout bon Citoyen sacrifie sa gloire, ses intérêts, quand il n’a pour objet que ceux de son pays. »

 

 

Éléments de corrigés 

 

1. Selon vous, pourquoi l’autrice choisit-elle de s’adresser ici à la reine ? Aidez-vous du contexte historique ( p. 14-17) et du tableau ci-dessus.

 

En septembre 1791, lorsque l’autrice rédige sa Déclaration, le roi et la reine sont sous le feu des critiques : en effet, le 20 juin, le couple royal a tenté de fuir et a été rattrapé à Varennes. En outre, Marie-Antoinette est une figure critiquée de longue date : son train de vie fastueux contrastait avec la pauvreté du peuple français à qui le roi demandait des efforts économiques, et depuis le début de la Révolution française, elle était soupçonnée de vouloir vendre la France à son frère, l’empereur du Saint-Empire romain germanique. Olympe de Gouges est favorable à un régime plus démocratique et égalitaire, mais elle n’est pas pour autant en faveur de la mort du roi et de la reine, puisqu’elle proposera même de défendre Louis XVI à son procès, sans succès. Sa dédicace explique clairement sa position : même « lorsque tout l’Empire vous accusait et vous rendait responsable de ses calamités » (p. 25), Olympe de Gouges a défendu la reine. Selon l’autrice, celle-ci est « faussement inculpée » (p. 26) et doit prouver qu’elle est du côté de la France, en faisant revenir les princes qui ont fui pour créer une armée contre-révolutionnaire. Enfin, Olympe de Gouges ne s’adresse pas au roi, mais à la reine, de femme à femme : elle souhaite en effet l’exhorter à « donner du poids à l’essor des droits de la femme, et [à] en accélérer les succès » (p. 27).

 

2. En quoi Olympe de Gouges se montre-t-elle audacieuse dans sa manière de s’adresser à la reine ?

 

Olympe de Gouges ne respecte pas les codes traditionnels de l’épitre dédicatoire, qui voudrait qu’elle dédie son œuvre à la reine pour se placer sous sa protection. L’autrice devrait donc rendre hommage à la reine. Or, dès le début de la dédicace, elle s’adresse à la reine en l’appelant « Madame » (p. 25), et non « Majesté », comme le voulait l’usage lorsqu’on s’adressait à un membre de la famille royale. Elle s’adresse ainsi à la reine comme à son égale. Les premières lignes justifient cette prise de position : mettant en avant le fait qu’elle serait « peu faite au langage que l’on tient aux rois » (p. 25), elle utilise cet argument pour refuser de flatter son interlocutrice. Elle refuse d’être une courtisane. Au contraire, elle revendique le fait de lui « parler franchement » (p. 25), comme elle l’a toujours fait. Elle se présente ainsi comme une femme honnête et fiable.

 

3. Se présente-t-elle comme son ennemie ou son alliée ?

 

Dès le début de la lettre, Olympe de Gouges se présente comme l’alliée de la reine. Si elle rappelle les critiques dont Marie-Antoinette a été l’objet, c’est pour insister sur le fait qu’elle a pris sa défense : « moi seule, dans un temps de trouble et d’orage, j’ai eu la force de prendre votre défense » (p. 25). L’autrice se présente ainsi comme la seule véritable défenseuse de la reine. Un peu plus loin, elle précise que la reine est, à ses yeux, « faussement inculpée » et « intéressante » (p. 26), c’est-à-dire qu’elle mérite la compassion. Néanmoins, le ton de l’autrice devient parfois menaçant : si le frère de Marie-Antoinette attaquait la France, Olympe de Gouges n’hésite pas à dire qu’elle la considèrerait alors comme « une implacable ennemie des Français » (p. 26). Le soutien de l’autrice à la reine est donc explicitement conditionné à celui que la reine peut apporter à la France et aux droits des femmes.

 

4. Olympe de Gouges adresse deux demandes à Marie-Antoinette. Lesquelles ?

 

L’autrice demande tout d’abord à la reine d’employer son influence pour « le retour des princes » (p. 26), désignant ainsi les membres de la famille royale et de la noblesse partis former une armée contre-révolutionnaire hors de France. Selon elle, il s’agit du « vrai devoir d’une reine » (p. 26) : au contraire, si elle complotait contre son propre pays, la reine ne serait pas digne de sa fonction.

 

Olympe de Gouges adresse ensuite une seconde demande à son interlocutrice : « donner du poids à l’essor des droits de la femme » (p. 27). Elle lui demande de défendre « ce sexe malheureux » (p. 27) et de lui donner « toute la consistance dont il est susceptible » (p. 27).

 

5. Quels avantages la reine pourrait-elle en retirer ?

 

L’autrice insiste sur les avantages que la reine pourrait retirer de ces deux soutiens : rappelant les critiques dont elle a fait l’objet, Olympe de Gouges montre que la reine pourrait regagner le cœur des Français par ses actions.

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